L’employeur qui ne veille pas à la réalisation effective de la visite médicale d’embauche peut encourir une mise en cause pénale

L’employeur qui ne veille pas à la réalisation effective de la visite médicale d’embauche peut encourir une mise en cause pénale

Conformément à l’article R. 4624-10 du Code du travail, afin de vérifier son aptitude à occuper son poste de travail, le salarié bénéficie d’un examen médical par le médecin du travail avant l’embauche ou au plus tard avant l’expiration de la période d’essai.

L’ancien article R. 1221-16 du même Code, (modifié depuis par le décret n° 2011-681 du 16 juin 2011 relatif à la fusion de la déclaration préalable à l’embauche et la déclaration unique d’embauche) disposait en substance que la demande d’examen médical d’embauche, telle que prévue par le Code du travail, était réalisée par le biais de la déclaration unique d’embauche (DUE).

Sur le plan civil : l’absence de visite d’embauche cause « nécessairement » un préjudice au salarié qui peut en obtenir réparation auprès des juridictions prud’homales (Jurisprudence constante…)

Sur le plan pénal : le fait d’embaucher un salarié sans faire procéder à cet examen médical constitue une infraction réprimée par une contravention de 5ème classe, prononcée autant de fois qu’il y a de salariés concernés* (article R. 4745-3 dudit Code).

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En l’espèce, une entreprise de prestation d’accueil téléphonique ou sur site et de télémarketing emploie des salariés à cet effet pour de très courtes durées.

Au cours d’une visite de l’inspection du travail, il a été relevé à l’encontre de l’entreprise, une infraction d’embauche de 294 salariés sans visite médicale préalable (pour un seul mois). Au vu du procès-verbal dressé par l’inspecteur du travail, le procureur de la République a fait citer l’entreprise ainsi que deux co-gérants devant le tribunal de police, du chef d’embauche de salariés sans visite médicale préalable.

Les prévenus font valoir, eu égard l’imprécision des textes fondant la prévention, que l’enregistrement de la DUE, souscrite auprès de l’URSSAF, entraîne, selon eux, automatiquement avis transmis à la médecine du travail, ce qui permet de démontrer que l’employeur a fait preuve de diligences suffisantes pour respecter les dispositions de l’article R. 4624-10 précité.

Les prévenus arguent par ailleurs l’impossibilité matérielle, admise par le service de santé au travail, d’effectuer les visites médicales d’embauche de salariés sous contrats de très faible durée, compte tenu de la brièveté de leur période d’essai (les contrats des intéressés ayant pris fin au moment où le service était en mesure de les convoquer).

Dès lors, l’absence de diligence du service de santé au travail pour permettre le déroulement effectif d’une telle visite médicale d’embauche ne pouvait pas être imputée à l’entreprise et ses gérants.

Balayant les deux arguments, la Cour de cassation confirme la condamnation pénale de l’entreprise et des co-gérants pour ne pas avoir satisfait à leur obligation générale de sécurité (article L. 4121-1 du Code du travail) en n’assurant pas son effectivité, jusqu’à garantir la réalisation, par le médecin du travail, de la visite médicale, préalablement à l’embauche et au plus tard avant l’expiration de la période d’essai.

La Cour de cassation rappelle** en effet que l’envoi à l’URSSAF de la DUE, comprenant une demande d’examen médical d’embauche, ne dispense pas l’employeur d’assurer l’effectivité de cet examen.

Les juges ajoutent en outre que l’employeur ne peut s’exonérer de cette obligation ressortant précisément des textes susvisés en invoquant la tolérance du service interentreprises et l’impossibilité matérielle de mettre son obligation en œuvre, s’agissant en particulier des contrats à faible durée ***.

Autrement-dit : Ni l’enregistrement de la DUE, ni la tolérance ou la défaillance du service de santé au travail interentreprises ne sauraient constituer des causes exonératoires à la responsabilité patronale (en l’espèce pénale).

Par conséquent, les prévenus sont pénalement responsables d’infraction d’embauche de salariés sans avoir fait procéder à un examen médical préalable.

*A noter que les prévenus ont été condamnés à une amende contraventionnelle avec sursis :

  • Condamnation de l’entreprise : 294 amendes de 100 euros, avec sursis ;
  • Condamnation des co-gérants : 294 amendes de 50 euros, avec sursis

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Pour aller plus loin : alignement des positions jurisprudentielles

** La position de la chambre criminelle de la Cour de cassation est conforme à la jurisprudence de la chambre sociale selon laquelle, il revient à l’employeur de veiller à la réalisation effective de l’examen médical d’embauche, peu important l’enregistrement de la DUE – devenue la déclaration préalable d’embauche – DPE  (Cass. soc., n° 12-15.454 du 18 décembre 2013).

En effet, débiteur d’une obligation générale de sécurité (article L. 4121-1 du Code du travail), devenue en 2002 une obligation de sécurité de résultat en matière de santé et de sécurité des salariés, l’employeur est tenu d’en assurer l’effectivité, notamment en procédant aux visites médicales réglementairement prévues (Jurisprudence constante : Cass. soc., n° 13-11.344 du 25 juin 2014 ; Cass. 2ème civ., n° 11-27.989 du 14 mars 2013)

Autrement-dit : l’employeur ne peut pas se contenter des déclarations effectuées auprès de l’URSSAF,  pour demander au service de santé au travail de programmer la visite d’embauche, il doit en outre s’assurer de la réalisation de celle-ci avant la fin de la période d’essai.

A défaut d’examen médical, la responsabilité de l’employeur, non seulement civile mais aussi pénale peut être engagée. Par la suite, afin d’obtenir réparation du préjudice causé par les dysfonctionnements récurrents dans la mise en œuvre des examens médicaux obligatoires, l’employeur peut se retourner contre son service de santé au travail (Cass. 1ère civ., n° 12-25.056 du 19 décembre 2013).

Pour rappel : exceptions à la visite médicale d’embauche

*** La visite médicale d’embauche est obligatoire, qu’il s’agisse d’un CDI ou d’un CDD :

Si le Code du travail pose par principe l’impératif d’un examen médical d’embauche, au plus tard avant la fin de la période d’essai (article R. 4624-10 précité), il existe pour autant des dérogations. Celles-ci sont néanmoins strictement prévues par le Code du travail.

1ère dérogation : article R. 4624-12 du Code du travail

Il n’y a pas d’examen médical d’embauche obligatoire si les conditions suivantes sont réunies :

  • Le salarié occupe un emploi identique présentant les mêmes risques d’exposition ;
  • Le médecin du travail intéressé est en possession de la fiche d’aptitude ;
  • Aucune inaptitude n’a été reconnue lors du dernier examen médical intervenu au cours :
    • Soit des 24 mois précédents s’il s’agit du même employeur ;
    • Soit des 12 derniers mois si le salarié change d’entreprise.

Il s’agit de conditions cumulatives.

Même si toutes les conditions sont réunies, cette dérogation tombe si :

  • Le médecin du travail estime l’examen d’embauche nécessaire ;
  • Le salarié fait une demande d’examen d’embauche ;
  • Le salarié bénéficie d’une surveillance médicale renforcée (SMR) ;
  • Le salarié relève d’une profession, de certains modes de travail ou de risques particuliers …

2ème dérogation : article D. 4625-22 du Code du travail

La visite médicale d’embauche n’est pas obligatoire, entre autres, pour les salariés saisonniers recrutés pour une durée inférieure à 45 jours de travail effectif. Charge au service de santé au travail d’organiser des actions de formation et de prévention pour lesquelles le CHSCT est consulté.

Dans l’arrêt du 12 janvier 2016, la chambre répressive relève que les « contrats d’hôtes [d’une entreprise qui exerce notamment une activité de marketing téléphonique, de distribution de prospectus et d’accueil de visiteurs pour le compte de clients] sont parfaitement similaires aux contrats saisonniers des salariés ayant travaillé moins de 45 jours ». Pour autant, la dispense de visite d’embauche réglementairement prévue  ne vise que les seuls contrats saisonniers et ne s’applique donc pas aux contrats d’hôtes de l’espèce.

Retrouver le texte officiel sur Légifrance 

Source : Istnf – 29 janvier 2016

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